Convention Citoyenne
des Musulmans de France
pour le vivre‐ensemble
[ ﺍﻟﻣﻳﺛﺎﻕ ]
LES MUSULMANS AU SEIN DE LA SOCIETE FRANCAISE
ARTICLE 1 : LA LAÏCITÉ, PRINCIPE DU VIVRE ENSEMBLE ET DE LA NON‐DISCRIMINATION DES CITOYENS DE TOUTES CONFESSIONS
ARTICLE 2 : CITOYENNETE
ARTICLE 3 : LA FEMME MUSULMANE
ARTICLE 4 : LA JEUNESSE MUSULMANE
ARTICLE 5 : LES TENUES VESTIMENTAIRES
ARTICLE 6 : LE RESPECT D’AUTRUI
ARTICLE 7 : BIOETHIQUE MUSULMANE
ARTICLE 8 : REFORME ET REVIVIFICATION
ARTICLE 9 : LES MUSULMANS DE FRANCE FACE AU RADICALISME, A L’EXTRÉMISME ET A LA VIOLENCE
LE CFCM ET LES ATTENTES DES MUSULMANS DE FRANCE
ARTICLE 10 : L’ISLAMOPHOBIE
ARTICLE 11 : L’ORGANISATION DU CULTE MUSULMAN EN FRANCE
ARTICLE 12 : LA FORMATION DES IMAMS ET DES CADRES RELIGIEUX
ARTICLE 13 : LE CALENDRIER MUSULMAN ET LES FÊTES RELIGIEUSES
ARTICLE 14 : L’ORGANISATION DU PÈLERINAGE (HAJJ)
ARTICLE 15 : LES RITES ALIMENTAIRES
ARTICLE 16 : LE DIALOGUE INTER‐RELIGIEUX
ARTICLE 17 : LES AUMÔNERIES
ARTICLE 18 : CIMETIERES ET CARRES MUSULMANS
ARTICLE 19 : LA RECONNAISSANCE ET LE RESPECT DE LA MÉMOIRE DES MUSULMANS TOMBES AU CHAMP D’HONNEUR
Convention Citoyenne
des Musulmans de France
pour le vivre-ensemble
[ ﺍﻟﻣﻳﺛﺎﻕ ]
En mesure d’assumer sa responsabilité dans tous les domaines de la vie de la société, la communauté musulmane de France affirme son identité, sa culture et sa religion.
Elle aspire à mieux préciser sa place, son rôle et sa contribution dans la société.
Rejetant le repli communautariste, les musulmans de France projettent tous leurs efforts dans une communauté de destin portée par une intégration juste, loyale et solidaire.
L’Islam s’il est unique en sa doctrine, il est multiple dans son histoire et ses expériences. En France, il adopte comme principe fondateur le respect des règles et des lois républicaines.
Elles fondent le vivre ensemble et assurent l’épanouissement harmonieux des hommes et des femmes de ce pays.
Les musulmans de France aspirent à l’union de tous, sans distinction d’origine ethnique, nationale, linguistique ou d’obédience d’écoles ou schismatiques. Ils considèrent la laïcité comme un acquis majeur du vivre ensemble et de la non-discrimination des citoyens.
Les musulmans de France désirent se joindre au mouvement de renouveau et de reviviscence de la pensée religieuse de l’Islam1. Ils s’inspirent des grands réformistes musulmans.
Le Renouveau s’entend comme une action de "contextualisation", dans le temps et dans l'espace, de la compréhension de la religion et l'ajustement de son application dans une société en perpétuel développement et transformation.
Prônant la tolérance religieuse et un dialogue avec l’État et les cultes, les musulmans de France affirment leur aspiration à une identité culturelle et religieuse authentique dans la liberté et dans le cadre des institutions.
Les musulmans de France désirent réaliser leur unité et manifester leur expression pour et par eux-mêmes dans les débats et questions qui les concernent :
L’Islam est parfaitement compatible avec les lois de la République. Nul besoin de texte nouveau, d’adaptation législative ou d’évolution jurisprudentielle : l’islam trouve tous ses repères dans le droit commun.
1 Coran XIII‐11 : « … Allah ne change rien d’une communauté sans que chacun des individus qui la compose n’ait changé en lui‐même. »
S’adressant à son peuple, Shu’aib dit : « O mon peuple ! … Je ne veux que la réforme (Islâh), autant que je le puis. Et ma réussite ne dépend que d’Allah» Coran XI‐88
Vivant dans le temps et l’espace de leur société, les musulmans de France affirment leur volonté d’ouverture et de paix dans le rejet de la violence et la condamnation de toute menée subversive, terroriste ou criminelle. Tout musulman doit avoir à cœur de se démarquer nettement de l’extrémisme.
Les lieux de culte et les mosquées ne sont dédiés qu’à l’adoration de Dieu, et à rien d’autre. Les musulmans de France appellent les pouvoirs publics à conjuguer leurs efforts avec les familles musulmanes et les responsables religieux pour juguler les actions, subversives et radicales, qui ternissent l’image de la religion musulmane.
Les musulmans de France aspirent à vivre leur foi dans un cadre digne et reconnu, respectueux de la loi. La visibilité du culte ne devrait susciter ni aversion ni provocation.
Les musulmans de France appellent à la reconnaissance des aspirations de sa jeunesse, qui souffre d’inégalité dans son accès à l’éducation et au travail.
Les musulmans de France reconnaissent pleinement l’égalité entre l’homme et la femme. Ils appellent à l’épanouissement personnel et professionnel des femmes musulmanes, dans le cadre de la loi.
Les musulmans de France considèrent que le voile est une prescription religieuse. Si nombre d’entre eux ont pu vivre la loi sur l’interdiction du port du voile à l’école publique comme une injustice, ils respectent les choix de la communauté nationale.
Les musulmans de France, suivant la position adoptée par la majorité des théologiens musulmans, considèrent que le port du « voile intégral » n’est pas une obligation religieuse.
Les musulmans de France voient avec inquiétude la multiplication des actes anti-musulmans et la récurrence d’un discours islamophobe chez les acteurs sociaux et politiques.
Ils demandent aux pouvoirs publics de rester vigilants face à cette dérive préoccupante. Ils reconnaissent devoir s’impliquer pour modifier l’image de l’Islam dans la société.
Les musulmans de France rejettent le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie. Ils dénoncent toute forme de stigmatisation ou de discrimination liées à la religion.
L’Islam recommande la science et honore les savants. La bioéthique musulmane a pour principe le respect de la vie. Le médecin, homme ou femme, est pleinement responsable de ses malades.
On ne peut récuser ni l’un ni l’autre. La bioéthique musulmane pose pour principe que l’embryon a le même statut que la personne vivante, dès la fécondation.
En outre, la procréation médicalement assistée n’est licite que dans la mesure où la filiation légitime est respectée. Le suicide, l’euthanasie sont interdits.
Les Musulmans de France tiennent à préserver et à entretenir la mémoire des leurs qui se sont sacrifiés pour la France, qui par le sang versé durant les guerres nationales, qui par leur travail pour l’édification de son économie, sont les véritables fondateurs de l’Islam de France.
LES MUSULMANS AU SEIN DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE
ARTICLE 1 : LA LAÏCITÉ, PRINCIPE DU VIVRE ENSEMBLE ET DE LA NON-DISCRIMINATION DES CITOYENS DE TOUTES CONFESSIONS
Le principe de la laïcité fait de la France une République, neutre envers les religions et respectueux de la liberté de conscience.
En conséquence, la France assure à tous les citoyens la liberté de croire ou de ne pas croire, de pratiquer ou de ne pas pratiquer une religion.
Dans ce cadre, l’apport des concitoyens de confession musulmane se confirme de jour en jour. Cette contribution positive s’illustre dans les domaines économique, politique,
scientifique, culturel, sportif, artistique et bien d’autres encore….
Malgré les confusions, la devise de la République demeure : « Liberté, Égalité, Fraternité ». Les musulmans de France sont attachés à :
La liberté de croyance pour tous les citoyens,
L’égalité entre tous les citoyens au-delà de leur origine ou de leur religion
La fraternité entre les différentes composantes de la communauté nationale.
Les musulmans de France n’aspirent qu’à vivre sereinement et paisiblement leur spiritualité, en évitant toute provocation et en refusant toute stigmatisation.
Les musulmans ont également besoin d’ouverture. Ils ont besoin de s'ouvrir à la société dans laquelle ils vivent, ainsi qu'à toutes ses composantes religieuses, culturelles, syndicales, politiques, etc. Une telle ouverture à l’autre, rejetant toute forme d’archaïsme, ne peut avoir que des retombées positives sur la société.
ARTICLE 2 : CITOYENNETÉ
Les musulmans de France se reconnaissent pleinement dans le concept de citoyenneté, entendu comme le fait pour une personne, d'être reconnue comme membre d'un Etat, nourrissant un projet commun auquel il souhaite prendre une part active. La citoyenneté comporte des droits civils et politiques et des devoirs civiques définissant le rôle du citoyen de toute confession, au sein d’une société et face aux institutions.
La citoyenneté symbolise le respect des droits et devoirs du citoyen français musulman au sein de la société française. Chaque citoyen musulman se doit de respecter la citoyenneté telle qu'elle est établie par les lois françaises de la République. Celle-ci reconnait la diversité et la pluralité de la société, ne faisant aucune distinction entre les croyants ou non. Elle prône la solidarité, l’égalité et la tolérance.
Le Droit de Vote est un outil fondamental et indispensable à l’intégration des musulmans de France. Il véhicule un fort sentiment d’appartenance à une société, à une communauté nationale. Au-delà de ce qu’il représente, ce droit de Vote confère une position sociale reconnue au sein de la société. Il favorise également une participation constructive aux différents sujets de société concernant les musulmans français. Les musulmans aspirent à participer aux débats nationaux du pays.
Les musulmans sont en droit de revendiquer que leur citoyenneté ne puisse être assimilée à une citoyenneté de seconde zone ou de faire l’objet d’une quelconque remise en cause. Le musulman est d’abord un citoyen. Il affirme ou non, ensuite, son appartenance religieuse.
ARTICLE 3 : LA FEMME MUSULMANE
Au début de l’Islam, les femmes ont acquis et mérité une personnalité juridique entière. En effet, le Coran confère une égalité totale aux femmes et aux hommes². À rebours des récurrentes accusations non fondées qui pèsent sur l’Islam, la femme musulmane jouit d’un rôle primordial dans la société.
En France, l’égalité homme femme ne heurte en rien la conception musulmane. Bien au contraire, depuis l’avènement de l’islam et dans les temps modernes, les principaux défenseurs de la place de la femme musulmane dans la société contemporaine ont toujours favorisé son épanouissement.
²« Et les femmes ont des droits sur les hommes semblables à ceux que les hommes ont sur elles » (Coran,2:228)
ARTICLE 4 : LA JEUNESSE MUSULMANE
L’avenir et la réussite des jeunes musulmans font partie intégrante des aspirations des musulmans de France.
La communauté musulmane lutte contre de nombreux handicaps liés aux difficultés rencontrées par sa jeunesse (difficultés, situation précaire des jeunes, travail, discrimination, islamophobie, racisme, fléaux sociaux).
Au-delà de cette difficulté, une composante importante de la communauté réussit de plus en plus à intégrer de Grandes Écoles et obtient à la fin de ses études des diplômes et des postes importants, en tant que cadres au sein de grandes entreprises, dans de grands groupes ou encore même au sein de divers partis politiques.
Quotidiennement, les jeunes musulmans apportent la preuve que l’islam n’est pas le problème de la démocratie. Nourris de leurs références religieuses et culturelles authentiques, ils s’affirment pleinement comme citoyens du troisième millénaire.
Néanmoins, deux obstacles majeurs s’opposent à leur épanouissement. L’école publique peine à faire réussir les enfants issus des milieux les moins privilégiés, particulièrement ceux issus de l’immigration. Par ailleurs, la situation de crise économique dans les banlieues et cités des grandes villes françaises, aggravée par un taux de chômage chronique, constitue un handicap pour l’insertion sociale des jeunes musulmans de France.
ARTICLE 5 : LES TENUES VESTIMENTAIRES
Pour la plupart des musulmanes, une tenue vestimentaire adéquate traduit, comme pour les autres religions, la dignité et la conformité à la tradition religieuse.
Le voile est une prescription qui recommande au Prophète de « dire à ses femmes, à ses filles et aux femmes des croyants » (Coran 33-59), de l’arborer pour la réserve qu’il leur impose.
Si nombre de musulmans de France ont pu vivre la loi sur l’interdiction du port du voile à l’école publique comme une injustice, ils respectent les choix de la communauté nationale.
Concernant le port du voile intégral, il convient de rappeler que la France a adopté une loi interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public. À cette occasion, le CFCM a rappelé à plusieurs reprises la position adoptée par la majorité des théologiens musulmans qui stipule que le port du voile intégral n’est pas une obligation religieuse.
Tout au long des débats sur le port du voile intégral, le CFCM a clairement affiché son opposition à cette pratique et sa détermination à continuer d’œuvrer par le dialogue et l’éducation pour qu’elle ne s’installe pas sur le territoire national.
Le CFCM réaffirme que les musulmans de France aspirent comme tous leurs concitoyens, à pratiquer leur culte et vivre leur spiritualité dans le respect des lois et des valeurs de la République auxquelles ils sont profondément attachés.
ARTICLE 6 : LE RESPECT D’AUTRUI
L’Islam recommande le respect des institutions et des personnes civiles ou morales.
Les dégradations, les incivilités, les impolitesses ou l’agressivité sont condamnables par la morale islamique élémentaire.
Tous les cultes, toutes les croyances et toutes les personnes quelle que soit leur origine ethnique ou religieuse vivent libres et respectés en France.
La loi musulmane est conforme à l’acceptation de la diversité du genre humain.²
²« Ô hommes ! Nous vous avons créés d'un mâle et d'une femelle, et Nous avons fait de vous des nations et des tribus, afin que vous vous connaissiez les uns, les autres. »
Coran 49‐13 Al‐Hujarat
ARTICLE 7 : BIOETHIQUE MUSULMANE
L’Islam recommande la science et honore les savants.
Le musulman veille à l’instruction de ses enfants garçons et filles selon la loi. L’enseignement religieux est réservé à des horaires qui n’interfèrent pas sur l’obligation de scolarité.
Combattre l’ignorance, porteur de fanatisme et d’intolérance, est du devoir de tout croyant. La science rapproche de Dieu.
La science médicale se propose comme objectif de guérir, de soulager et surtout de ne pas nuire à l’être humain. Le musulman a le devoir de se soigner et d’espérer consolation et apaisement de Dieu seul.
La bioéthique musulmane a pour principe le respect de la vie (Coran V, 32), la légitimité de donner de soi (sang, organes, tissus) en tant qu’actes méritoires (Hassanates) et d’en recevoir pour se soigner.
La procréation médicalement assistée n’est licite que dans la mesure où la filiation légitime est respectée. Le suicide, l’euthanasie sont interdits.
L’embryon a le même statut que la personne vivante dès la fécondation.
Le médecin, homme ou femme, est pleinement responsable de ses malades et on ne peut récuser ni l’un ni l’autre.
Le clonage est une manipulation contraire à la nature et aux règles de l’Islam (perpétuation naturelle de l’espèce humaine).
Dans tous ces domaines, le principe juridique de l’intentionnalité « Al Maqasid » ou fins ultimes d’une action thérapeutique est requis.
De même, la protection de la vie, le principe de la parenté légitime sont retenus comme bases des règles de la bioéthique musulmane.
En matière génétique le principe du génome humain est qu’il appartient à toute l’humanité et qu’il n’est pas brevetable; c’est ce qui est retenu dans l’Islam.
ARTICLE 8 : RÉFORME ET REVIVIFICATION
Dans notre époque contemporaine, il incombe aux musulmans de fournir l’effort intellectuel nécessaire en vue de revivifier la pensée islamique selon le terme utilisé par Abû Hâmid al-Ghazâlî (m 1111) ou encore en vue d’un renouveau et d’une reconstitution de la pensée religieuse selon les termes utilisés par Mohamed Iqbâl (1877-1938).
Le Renouveau correspond à une action de "contextualisation" dans le temps et dans l'espace, pour la compréhension de la religion et l'ajustement de son application dans une société et une réalité en perpétuel développement et transformation.
Les musulmans de France doivent s’inspirer des expériences de leurs prédécesseurs et œuvrer dans le sens d’une Réforme qui tient compte des spécificités de leur époque et de la société dans laquelle ils vivent.
Les musulmans de France se rattachent à la tradition des mouvements réformistes unanimement reconnus : Al-Afghânî (1839-1897), Mohamed Abdou (1840-1905), Rachîd Rédhâ (1864-1935), Malek Bennabi qui a traité des conditions de la renaissance en examinant aussi les causes du déclin de la civilisation islamique en s’inspirant de quelques versets coraniques comme : « En vérité, Dieu ne change rien d’une communauté tant que chaque membre qui la compose ait changé en lui-même » Coran, XIII, 11.
Dans cette perspective, Mohamed Abdou affirmait : « L’Islâm a condamné l’imitation servile et aveugle (taqlîd) en matière de croyance et a sauvé la raison de son engourdissement car l’homme par nature est conduit par la science et la raison sur la voie de la connaissance ».
Cet effort de reflexion en vue d’opérer le changement est lui aussi une sorte d’ijtihâd où effort de réflexion personnel fourni par l’autorité compétente en vue de l’extraction des normes juridiques à partir des textes. Il ne concerne pas la doctrine de l’islam mais est d’ordre politique et social à travers une relecture des textes fondamentaux afin de reconstituer la pensée religieuse de l’islam comme l’affirmait Mohamed Iqbâl.
Au cours de son dernier discours² à la communauté musulmane, le Prophète (PSL) lui a vivement recommandé le perpétuel souci de se renouveler en permanence et de veiller sur ses propres composantes.
² Discours de l’adieu
ARTICLE 9 : LES MUSULMANS DE FRANCE FACE AU RADICALISME, A L’EXTREMISME ET A LA VIOLENCE
L’Islam prône « une communauté du juste milieu » (al wasatiyya Coran II-143).
Les lieux de culte et les mosquées ne sont dédiés qu’à l’adoration de Dieu et à rien d’autre. (Coran 72-18).
Contrairement à une idée répandue, le mot « Jihâd » signifie notamment la lutte et l’effort sur soi-même, en accomplissant le bien. Cette action a surtout une dimension spirituelle, consistant à œuvrer de son mieux pour accomplir le bien. Dans le Coran, ce mot est employé sous ses différentes formes à 33 reprises.
Les menées politiques, idéologiques ou activistes, instrumentalisant ainsi le religieux, ne peuvent que dénaturer le message et la vie des musulmans de France, soucieux avant tout de s’intégrer à la société française dont ils font pleinement partie.
Les musulmans de France sont inquiets par l’attractivité des thèses radicales auprès d’une fraction de la jeunesse en quête de sens, confrontée à des injustices et inégalités. Cette voie radicale, qui s’apparente à une déviance, profite des fragilités personnelles et recourt souvent à la manipulation et au dévoiement des textes sacrés. Il est impératif que les musulmans dans leur ensemble se mobilisent afin que la jeunesse puisse retrouver le chemin d’un islam apaisé.
Les institutions, les élites et les pouvoirs publics doivent conjuguer leurs efforts avec les familles musulmanes pour juguler ces actions subversives qui ternissent l’image de la religion musulmane.
Les musulmans dans leur totalité récusent la violence et font tout ce qui est en leur pouvoir pour éviter que leurs jeunes succombent aux messages délétères qui incitent notamment à la violence ou au fanatisme.
Les Musulmans de France souhaitent mener une vie paisible et sereine, loin de toutes violences, dans l’intérêt même des générations à venir.
Il est impérieux que cette problématique soit appréhendée dans toutes ses dimensions économiques et sociales.
LE CFCM ET LES ATTENTES DES MUSULMANS DE FRANCE
ARTICLE 10 : L’ISLAMOPHOBIE
Régulièrement l’Islam est stigmatisé, présenté comme une religion incompatible avec la laïcité ou la démocratie. Certains écrits l’accusent même d’être une menace pour l’identité française.
Si les musulmans de France approuvent la libre critique, ils récusent en revanche l’injure, la diffamation ou l’incitation à la haine religieuse.
L’Islamophobie ou les actes antimusulmans sont l’affaire de tous.
Les musulmans de France souffrent aujourd’hui de :
- L’image très négative de l’Islam et des musulmans véhiculée dans l’actualité médiatique, basée sur une information nationale et internationale exposant des situations graves, réelles ou présumées.
- La montée d’un certain radicalisme islamique qui nuit d’abord aux citoyens français de confession musulmane qui se sentent « otages » par des tentatives certes marginales mais fortement médiatisées d’imposer la vision d’un islam présenté comme intolérant, belliqueux, voire sanguinaire, encourageant un repli sur soi, communautariste et exclusiviste, non représentative des dynamiques sociales dans les communautés musulmanes.
- La méfiance mutuelle, à l’échelle de la communauté nationale, directement liée à une méconnaissance de l’Islam par les non-musulmans et de l’attente de la population d’une plus grande conformité culturelle de la part de leurs concitoyens musulmans. Ce climat s’est installé progressivement et le 11 septembre 2001 a été un de ses catalyseurs.
- La promotion de discours populistes de certains leaders d’opinion en recherche pour certains de victoire électorale, de visibilité politique et médiatique ou de construction d’un plan de carrière personnel. Cette rhétorique, surfant très souvent sur les peurs, a engendré des clivages et des préjugés fortement ancrés dans la conscience collective rendant indéniablement plus difficile le dialogue.
- Les discriminations structurantes dans notre société dans les secteurs de l’enseignement, de l’emploi, du logement, des loisirs… qui deviennent des obstacles à la participation réelle de toutes et tous à la société.
Au-delà des clichés et des préjugés que certains médias malintentionnés peuvent colporter, au-delà des attaques et des campagnes que certains milieux islamophobes peuvent développer, les musulmans ne peuvent rester insensibles aux peurs et aux inquiétudes exprimées dans les débats actuels par certains de leurs concitoyens.
Les musulmans doivent s’interroger sur l’image qu’ils projettent dans la société. En définitive, les musulmans ne peuvent se dédouaner de leur propre part de responsabilité dans l'existence et le développement de ces sentiments, même si ceux-ci sont souvent irrationnels.
Le 17 juin 2010, le Conseil Français du Culte Musulman a signé avec le Ministre de l’Intérieur une Convention-cadre pour la mise en œuvre d’un suivi statistique et opérationnel des actes hostiles aux musulmans de France.
Le 23 juin 2011, le CFCM a mis en place l’Observatoire de l’Islamophobie, qui depuis, recense et suit toutes les formes d’actes délictueux visant les musulmans de France sur l’ensemble du territoire national. Le CFCM appelle les Institutions musulmanes à apporter leur concours à l’Observatoire de l’Islamophobie du CFCM.
ARTICLE 11 : L’ORGANISATION DU CULTE MUSULMAN EN FRANCE
L’absence de hiérarchie ecclésiastique dans l’Islam a conduit le culte musulman à s’organiser autour d’une instance représentant le Culte musulman de France : le Conseil Français du Culte Musulman (CFCM).
Inaugurée en 2003, cette institution représente un progrès sans précédent et regroupe en son sein des Fédérations de mosquées, des mosquées régionales, des associations cultuelles et des personnalités notables qui constituent l’Assemblée Générale du CFCM. Ses représentants sont élus, pour un mandat de 6 ans.
Le principe de l’alternance et d’une direction collégiale a permis aux responsables du CFCM de se rassembler autour des mêmes valeurs, dans l’intérêt de la communauté musulmane de France.
ARTICLE 12 : LA FORMATION DES IMAMS ET DES CADRES
RELIGIEUX
Depuis sa création, la formation des Imams et des Cadres religieux fait partie des principales priorités du CFCM.
Cette Formation devient une nécessité impérieuse, au vu des besoins grandissants d’encadrement et d’orientation de la communauté musulmane.
En effet, l’Imam est en contact direct et permanent avec les fidèles dans les mosquées et dans les lieux de culte. À ce titre, l’Imam joue un rôle important dans
l’accompagnement de la communauté et dans la transmission aux jeunes et aux moins jeunes des valeurs d’ouverture, de tolérance et de modération, dans le respect des lois et des valeurs de la République.
La Formation des Imams et des Cadres religieux doit se faire suivant deux axes :
Formation religieuse et théologique : cette formation doit être assurée par les musulmans eux-mêmes, à travers les Fédérations qui composent le CFCM.
- Formation profane et généraliste : cette formation peut s’organiser en partenariat avec des Instituts de Formation spécialisés dans ce domaine.
Le CFCM mène une réflexion pour subvenir à l’ensemble de ces besoins de Formation des Imams et des Cadres religieux en France.
ARTICLE 13 : LE CALENDRIER MUSULMAN ET LES FÊTES RELIGIEUSES
Calendrier musulman :
Le 9 mai 2013, le CFCM a finalisé la mise en place d’un calendrier lunaire basé sur le calcul et conforme aux principes et aux finalités du droit musulman. Cette initiative a été prise sur la recommandation insistante de ses Fédérations qui œuvrent activement pour l’unité des Musulmans de France.
Constatant que les différentes méthodes proposées et utilisées à travers le monde, convergeaient sur la quasi-totalité des dates, il a été convenu de retenir la règle qui a été soutenue par l’ensemble des pays musulmans et qui tient compte des conditions de l’observation de la lune et du principe consistant à entamer le mois lunaire si la nouvelle lune est observable.
Toutefois, la mise en place d’une telle démarche nécessite une grande pédagogie et un très fort accompagnement de la communauté musulmane de la part du CFCM et des mosquées qui lui sont affiliées.
Dans ce cadre, et afin de préserver l’unité des Musulmans de France, le CFCM a décidé de maintenir les rencontres traditionnelles de la veille du début de Ramadan et de l’Aïd El Fitr qui continuent d’être organisées, comme à l’accoutumée, dans l’ensemble des mosquées de France.
À l’issue de sa réunion traditionnelle à la veille du début et de la fin du Ramadan, le CFCM confirmera d’une manière consensuelle et solennelle le début ou la fin du mois sacré du Ramadan.
Pour permettre aux musulmans de France de mieux organiser leur vie cultuelle et leur faciliter sur le plan pratique le déroulement de ses différents moments, il a été convenu qu’au début de chaque année hégirienne (1er Muharram), le CFCM éditera le calendrier annuel comportant les dates prévisionnelles du début et de la fin du Ramadan et toutes les fêtes et manifestations religieuses.
Toujours dans le souci de mieux consolider l’unité des musulmans de France, les Fédérations composantes du CFCM expriment leur volonté de procéder dans les mois à venir à l’harmonisation des Heures de Prières rituelles.
Fête de Aïd-al-Adha :
L’Aïd El Kébir (grande fête) ou l’Aïd al Adha (fête du sacrifice) est dans l’islam une grande fête qui a lieu suivant le calendrier lunaire le 10 du mois Dhou-Lhijja, c’est-à-dire le 12ème mois lunaire qui est également le mois du pèlerinage à la Mecque.
Le CFCM incite les Musulmans de France à partager ce grand moment de bénédiction, de fraternité et de solidarité avec l’ensemble de la communauté nationale.
Les capacités des abattoirs étant limitées, le CFCM recommande d’étaler l’abattage sur les trois jours de L’Aïd al-Adha.
Le sacrifice par délégation est autorisé de façon unanime. Il est largement pratiqué, notamment, par les pèlerins le jour de l’Aïd al-Adha.
Par ailleurs, le sacrifice doit s’effectuer dans les abattoirs agréés par les Pouvoirs Publics, dans le strict respect de la réglementation en vigueur et des principes religieux qui régissent l’abattage rituel.
ARTICLE 14 : L’ORGANISATION DU PÈLERINAGE (HAJJ)
Le Pèlerinage est le cinquième pilier de l’Islam et le Coran le rend obligatoire pour toute personne responsable qui en a la capacité financière et physique.
Tout musulman doit s’efforcer, s’il en est capable, d’accomplir au moins une fois dans sa vie le Pèlerinage à la Mecque (al Hajj). Il vise à purifier l’âme des souillures des péchés pour devenir digne de la grâce divine sur terre et dans l’au-delà.
Le Pèlerinage se déroule pendant le dernier mois de l’année lunaire, celui de Dhu al-Hijja. Il n'est cependant pas nécessaire d'accomplir ce devoir plusieurs fois dans sa vie.
Le CFCM recommande aux acteurs concernés de veiller à rationaliser l’organisation du Pèlerinage pour les Musulmans de France et à ce que le pèlerinage s’effectue en conformité avec les lois sanitaires, dans le respect du rituel religieux éminemment.
ARTICLE 15 : LES RITES ALIMENTAIRES
Les préceptes relatifs à l’alimentation constituent des devoirs bien identifiés par le Coran. On relève 24 versets qui contiennent des prescriptions alimentaires.
Pour que la viande soit « Halal », c’est-à-dire licite et consommable par le musulman, le sacrifice doit être rapide pour être le moins douloureux possible. Le sang doit être évacué et le sacrificateur musulman doit prononcer la formule religieuse en égorgeant l’animal, la tête tournée vers la Mecque.
C’est la spécificité de cet abattage qui permet de certifier la qualité de « viande Halal ».
Le CFCM recommande aux acteurs concernés de rationaliser l’organisation de l’Abattage rituel et fiabiliser les engagements pris par les différents Opérateurs qui interviennent sur toute la chaine de production, afin de garantir aux Musulmans de France la conformité des produits certifiés « Halal » qui sont proposés aux consommateurs musulmans.
ARTICLE 16 : LE DIALOGUE INTER-RELIGIEUX
Le CFCM inscrit parmi ses objectifs et ses priorités « d’encourager le dialogue entre les Religions » en France.
Le CFCM veille à ce que les conflits des pays étrangers ne soient pas importés sur le territoire pour ne pas attiser la haine entre les différentes communautés présentes sur le territoire français.
L’Islam dans sa vocation n’entend pas imposer sa vérité, ni forcer quiconque à adopter sa croyance et ses rites. L’Islam respecte la foi d’autrui dans la tolérance et le dialogue. L’islam nourrit le respect « des Gens du Livre ». La liberté de conscience est chose tellement recommandable que les monastères, les églises, les synagogues tout
comme les oratoires des Musulmans sont dignes de protection à l’encontre des impies².
² Sourate XXII, 40‐41.
La Sourate (21-40) du Coran affirme :
« … Si Allah ne repoussait pas les gens les uns par les autres, des ermitages seraient démolis, ainsi que des églises, des synagogues, des mosquées où le nom d’Allah est beaucoup invoqué … »
ARTICLE 17 : LES AUMÔNERIES
Les trois Aumôneries, Armée, Hôpitaux et Prisons doivent travailler en parfaite coordination avec les instances du CFCM afin de former et de répartir les cadres religieux sur ces différentes Aumôneries.
Aumônerie des Prisons :
L’aumônerie nationale des centres pénitentiaires de France exerce diverses missions relatives au cultuel. Elle a également pour mission de prévenir et de contrôler toute forme de radicalisme par le biais de l’enseignement religieux.
Le budget de l’aumônerie nationale des prisons est abondé par les fidèles eux-mêmes, qui par leurs dons financiers ou matériels contribuent au bon fonctionnement de cette structure.
Le 17 septembre 2006, le CFCM a créé l’Aumônerie nationale des Prisons. L’Aumônerie dispose à ce jour de 164 aumôniers régionaux qui agissent sur l’ensemble du territoire. Face à une demande croissante, le CFCM encourage les vocations d’aumônier musulman des prisons.
Aumônerie des Armées:
Les Aumôniers Militaires assurent le soutien religieux des personnels de la Défense qui le souhaitent dans les lieux où les Armées exercent leurs missions.
L’Aumônerie Musulmane des Armées a été créée par le CFCM en 2005. Une Direction de l’Aumônerie Militaire Musulmane a été mise en place au sein du Ministère de la Défense.
Aumônerie des Hôpitaux :
L’Aumônier musulman dans l’Hôpital apporte un réconfort moral et un soutien spirituel aux patients et aux malades de confession musulmane.
Il doit faire face à une demande croissante d’accompagnement des personnes, notamment en fin de vie ou en phase terminale de maladies incurables.
Il veille à l’application et au respect du code français de la santé publique.
ARTICLE 18 : CIMETIERES ET CARRES MUSULMANS
Les musulmans veillent, avec les autorités municipales, et en conformité avec la circulaire de 1991 préconisant la création des carrés musulmans, à solliciter dans les cimetières de la localité, des carrés musulmans pour subvenir aux besoins sans cesse croissants d’inhumation.
La génération actuelle inhume de plus en plus ses proches sur le territoire. Les traditions musulmanes qui prévoyait que le défunt musulman soit enterré dans son pays d’origine ont évolué et les besoins se font ressentir au sein de la communauté musulmane qui souhaite de plus en plus obtenir des carrés musulmans au sein des cimetières sur le territoire national.
Cette volonté est une preuve d’intégration croissante.
L’orientation des futures tombes vers la Mecque est une pratique obligatoire de l'inhumation musulmane, reconnue par la circulaire de 1991.
ARTICLE 19 : LA RECONNAISSANCE ET LE RESPECT DE LA MÉMOIRE DES MUSULMANS TOMBES AU CHAMP D’HONNEUR
Les musulmans demandent la reconnaissance et le respect de la mémoire de leurs coreligionnaires tombés sur le champ d’honneur pour que la France soit libre et le demeure.
Inaugurée le 15 juillet 1926, la construction de la Grande Mosquée de Paris est un signe de reconnaissance de la France envers les musulmans de son empire colonial après la mort de nombre d’entre-eux lors de la première guerre mondiale.
Plus tard, ce symbole a été étendu par les autorités françaises aux sacrifice des dizaines de milliers de musulmans morts pour la France durant la première guerre mondiale, à Cassino en 1944, au Mexique en 1861, en Crimée en 1853 ou à Sedan en 1870.
Un mémorial rendant hommage aux musulmans morts pour la France a été dévoilé à la Grande Mosquée de Paris. Cette dynamique s’est poursuivie avec l’inauguration de ce mémorial le 18 février 2014 en présence du Président de la République.